RECOURS CONTRE LES CONSTRUCTEURS : Les délais d’action applicables au regard de la jurisprudence récente des juges du fond
Art. 1792-4-2 Cciv : CA Paris, pôle 4 - ch. 6, 25 janv. 2019, n° 17/11742 ; CA Bastia, ch. civ. a - sect. 2, 16 janv. 2019, n° 16/00381 ;T. com. Bobigny, ch. 05, 24 avr. 2018, n° 2017F00914
Art 1792-4-3 Cvil : CA Nîmes, 20 oct. 2016, n° 16/00064 ; CA Versailles, 04, 20 mars 2017, n° 14/04773 ; CA Bastia, ch. civ. a - sect. 2, 16 janv. 2019, n° 16/00381 Versus CA Bordeaux, 27 mai 2016, n° 14/03032
Dol : Cass. 3èmeCiv. 12 juillet 2018 n°17-19.701 & Cass. 3èmeCiv. 12 juillet 2018 n°17-20.627
Art. L110-4 du Ccom : Cass. 3èmeCiv 7 juin 2018 n°17-10.394
Une bonne gestion des délais d’action dans le domaine du contentieux relevant de l’assurance-construction est essentielle pour permettre tant aux demandeurs qu’aux défendeurs d’assurer leurs éventuels recours au principal et en garantie.
Avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n°2005-658 du 8 juin 2005, les praticiens pouvaient distinguer les délais d’action relevant de l’application :
- des garanties légales prévues par les articles 1792 et suivants du Code civil, à savoir :
- la garantie de parfait achèvement prévue par l’article 1792-6 du Code civil d’une durée d’un an à compter de la date de réception,
- la garantie de bon fonctionnement prévue par l’article 1792-3 du Code civil d’une durée de deux ans à compter de la réception,
- la garantie décennale d’une durée de dix ans à compter de la réception en vertu de l’article 1792-4-1 du Code civil,
Selon la jurisprudence rendue postérieurement à la réforme de la prescription[1], l’ensemble de ces délais relève du régime de la forclusion, en sorte qu’à la différence des délais de prescription, ils ne sont pas suspendus pendant les opérations d’expertise judiciaire en application des articles 2220 et 2239 du Code civil. Il convient donc veiller à les interrompre systématiquement avant leur expiration ou initier, en parallèle avec une mesure d’instruction, une action au fond, afin de bénéficier de la suspension jusqu’à l’extinction de l’instance prévue par l’article 2242 du Code civil.
- de la responsabilité contractuelle prévue par l’ancien article 1147 du Code civil, à savoir :
- 30 ans au regard des non-commerçants en vertu de l’ancien article 2262 du Code civil
- 10 ans en vertu de l’article L110-4 du Code de commerce au regard des commerçants.
- de la responsabilité extracontractuelle prévue par l’ancien article 2270-1 du Code civil, à savoir :
Le point de départ de ces deux délais partant de la date de la manifestation du dommage, à l’exception pour les actions entre les commerçants des action en non-conformité ou des vices cachés partant à compter de la date de livraison à l’entrepreneur selon la 3èmechambre civile de la Cour de cassation[3]ou de la date de la vente initiale selon la 1èrechambre civile et la Chambre commerciale de la cour de cassation[4].
Si les délais relevant des garanties légales n’ont pas été retouchés, en 2005 et en 2008 le législateur est intervenu pour revoir sur certains points les régimes de recours contre les constructeurs relevant du droit commun.
Son objectif était alors l’unification de ces délais avec ceux des garanties légales.
C’est donc la raison pour laquelle le Titre III du Code civil s’est progressivement enrichi par deux nouvelles dispositions, à savoir :
- article 1792-4-2 du Code civil ramenant toutes actions en responsabilité dirigées à l’encontre des sous-traitants à :
- 10 ans à compter de la réception des travaux pour les désordres de nature décennale
- 2 ans à compter de la réception des travaux pour les dommages affectant les éléments d’équipement dissociables
- et 1792-4-3 du Code civil ramenant toutes autres actions à l’encontre des constructeurs et de leurs sous-traitants à 10 ans à compter de la réception.
Nous reviendrons ci-dessous pour compléter ces propos à l’application dans le temps de ces nouvelles dispositions.
En attendant, il convient de souligner qu’à la différence des délais d’action relevant des garanties légales prévues par les dispositions 1792-4-1, 1792-3 et 1792-6 du Code civil, il n’a pas été encore tranché si les dispositions des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du Code civil relèvent du régime de la forclusion ou de la prescription.
Or, comme cela résulte de l’article 2220 du Code civil, ces deux régimes ne sont pas identiques, en ce que postérieurement à la réforme du 2008, contrairement à prescription, le délai de forclusion °:
- Peut être interrompu que par une demande en justice[5]ou mesure conservatoire / un acte d’exécution forcée[6], mais non pas par reconnaissance de dette[7], sauf maintien contra legemde la jurisprudence antérieure[8]sur ce dernier point
- Bénéficie de la suspension :
- Peut être relevé d’office par le juge [11]
- Est exclusif de toute renonciation [12]
- N’est pas susceptible d'aménagements conventionnels[13].
A cet égard, il est intéressant de relever les termes de l’arrêt rendu le 12 janvier 2017 par la Cour d’appel de Bordeaux[14], laquelle semble appliquer le bénéfice de l’article 2239 du Code civil portant sur la suspension de la prescription au délai d’action prévu par l’article 1792-4-3 du code civil.
Les termes de cet arrêt ne sont pas explicites et, de ce fait, ne sauront être évoqué que pour caractériser la confusion générale quant à l’application de ces nouvelles dispositions.
De plus, la jurisprudence a adopté une interprétation restrictive quant au champ d’application matériel de ces deux textes[15], en la limitant uniquement aux rapports découlant des contrats de louage d’ouvrage.
De ce fait, plusieurs types de recours à l’encontre des constructeurs sont retombés dans le régime du droit commun.
Sous réserve de toute évolution jurisprudentielle sur ce point, ces actions sont donc régies actuellement pas les dispositions de l’article 2224 du Code civil et de l’article L110-4 du Code de commerce réduisant un délai d’action de droit commun à cinq ans, avec toujours la même particularité en ce qui concerne le point de départ de ces deux délais, dont il a été fait état ci-dessus et sur laquelle nous reviendrons.
L’état actuel de la jurisprudence applicable en la matière se trouve relativement confus et souvent en contradiction avec les termes des nouvelles dispositions législatives qui se voulaient pourtant être claires et plus générales possible.
Penchons-nous donc plus en détail sur la casuistique de la jurisprudence rendue en la matière pour tenter de démêler les approches adoptées par les juridictions.
- Tentative de l’unification des délais d’action contre les constructeurs
- Les délais d’action contre les sous-traitants
- Unification réussie
Un des principaux objectifs de l’Ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 était d’unifier les délais d’action contre les sous-traitants avec ceux des locateurs d’ouvrage.
Ainsi, selon l’article 1792-4-2 du Code civil, toute action dirigée à l’encontre de sous-traitant est désormais cantonnée à :
- dix ans à compter de la réception pour tout dommages de nature décennale affectant un ouvrage ou un élément d’équipement indissociable
- deux ans à compter de la réception pour tout dommage affectant un élément d’équipement dissociable, dont le dysfonctionnement ne rend pas l’ouvrage impropre à sa destination.
Dans son arrêt rendu le 18 mai 2017[16], la 3èmechambre civile de la cour de cassation applique cette disposition pour déclarer prescrite l’action d’un titulaire d’un marché à l’encontre de son sous-traitant, en ces termes :
« Attendu, d’autre part, que, selon l’article 1792-4-2 du code civil, les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d’équipement d’un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d’équipement de l’ouvrage mentionnés à l’article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception°;
que la cour d’appel a relevé qu’une expertise avait été ordonnée le 25 avril 2001 et que la CMABTP, assureur de la société Visama, sous-traitant, avait été mise en cause pour le sinistre le 21 avril 2012°;
qu’il en résulte que le délai de prescriptionde dix ans était écoulé à la date de l’assignation au fond ; que, par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ».
De même, dans son arrêt rendu le 25 janvier 2019[17], la Cour d’appel de Paris a déclaré prescrite l’action récursoire d’un titulaire du lot Gros œuvre à l’encontre de son sous-traitant pour les travaux d’étanchéité, en retenant que cette dernière a été engagée postérieurement à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la réception des travaux.
Il s’agit donc de la solution qui semble avoir été très logiquement adoptée par les juridictions de fond[18].
Il en est de même en ce qui concerne des actions initiés à l’encontre des sous-traitants au titre des dommages dits intermédiaires, c’est-à-dire ne relevant de l’application des garanties légales des constructeurs, mais de leur responsabilité contractuelle après la réception des travaux.
En effet, sur ce point, il convient d’appliquer les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil et non pas celles de l’article 2224 du Code civil relevant du droit commun.
- Unification manquée
Cette unification connaît cependant ses limites notamment en ce qui concerne des désordres relevant de l’application de la garantie de parfait achèvement.
En effet, dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage disposerait :
- d’un an pour agir à l’encontre de titulaire du lot conformément aux dispositions de l’article 1792-6 du Code civil ;
- de dix ans pour agir à l’encontre de son sous-traitant en vertu de l’article 1792-4-3 du Code civil.
Autrement dit, nous nous retrouvons à nouveau dans la situation que le législateur a voulu éviter, dans laquelle le délai d’action à l’encontre du sous-traitant est largement supérieur à celui du titulaire du lot.
- Les délais d’action contre les constructeurs ne relevant pas des garanties légales
A la lecture des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du Code civil, les praticiens auraient pu en déduire que désormais tous les délais d’action à l’encontre des constructeurs sont ramenés à dix ans à compter de la réception, dès lors qu’elles ne relèvent pas des garanties légales et ne portent pas sur le dysfonctionnement d’un élément d’équipement dissociable ne rendant l’ouvrage impropre à sa destination.
Cependant au regard de l’interprétation restrictive du champ d’application matériel de ces deux disposition adoptée par la jurisprudence[19], il pourrait être soutenue que seule la responsabilité des constructeurs au titre des dommages dits intermédiaires semble être soumise au délai d’action de dix ans à compter de la réception des travaux au sens de l’article 1792-4-3 du Code civil.
Cependant, nous ne disposons pas encore sur ce point de la position de la Cour de cassation.
De même, les approches adoptées par les Cour d’appel sont loin d’être homogénéisées.
Il conviendrait donc de rester attentif au regard de toute éventuelle évolution jurisprudentielle sur ce point.
Sous réserve d’une telle évolution, la plupart d’actions de droit commun contre les constructeurs semblent relever encore de la prescription quinquennale prévue par les articles 2224 du Code civil et L.110-4 du Code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 17 juin 2008.
Il s’agit plus particulièrement des actions suivantes :
- les actions fondées sur le dol,
- les recours entre les coobligés,
- les actions au titre des troubles anormaux de voisinage,
- les recours contre les fournisseurs.
A titre surabondant, il sera également précisé que dans son arrêt rendu le 10 mars 2017[20], le Tribunal de commerce de Paris écarte l’application des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil au regard des erreurs de conception survenues en cours du chantier ayant amené à son rallongement mais résolues avant la réception, au profit de la prescription de droit commun au sens de l’article 2224 du Code civil.
Cette décision ne peut évidemment être évoqué qu’à titre d’une nouvelle illustration quant aux difficultés relevant de l’interprétation de ces nouvelles dispositions.
Nous y pencherons plus en détail ci-dessous :
Les dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil, au regard de leur caractère général, semblent avoir vocation de s’appliquer notamment aux actions entre les constructeurs dont la responsabilité est recherchée au titre d’une faute dolosive.
Cependant, à l’instar de sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation applique au regard de ces actions les dispositions de droit commun relevant de l’article 2224 du Code civil.
C’est ainsi que dans son arrêt rendu le 5 janvier 2017[21], la Cour de cassation a jugé que « le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale, contractuellement tenuà l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ».
La cour de cassation maintient ainsi la jurisprudence rendue sous l’égide de l’ancienne loi sur ce point.
Les praticiens ne pourront que saluer la position de la Haute juridiction sur ce point dans la mesure où ce fondement est en pratique utilisé justement pour palier l’expiration des délais de forclusion.
Le rallongement des délais résultant de l’évocation de ce fondement est donc à tempérer par la difficulté de prouver une faute dolosive à la charge d’un constructeur.
Une telle qualification a été cependant retenue dans les hypothèses suivantes :
- une « faute lourde tellement grave qu’elle doit être qualifiée de dolosive » d’un bureau d’études pour avoir « violé ses obligations contractuelles par dissimulation ou par fraude »[22]
A défaut d’une telle démonstration, l’action pour un dol à l’encontre d’un constructeur devrait donc être rejetée, comme cela a été le cas en l’espèce ayant donné à l’arrêt rendu le 12 juillet 2018[23].
Cette deuxième démonstration semble être plus aisée que la première.
En effet, il est plus simple en pratique de démontrer la violation consciente de ses obligations contractuelles par le constructeur, notamment en présence des non-conformités majeures de l’ouvrage, que son intention de nuire au maître d’ouvrage.
Il est à noter que dans cette deuxième espèce[25], il a été également jugé l’action contractuelle pour faute dolosive est rattachée à l’immeuble et transmissible aux acquéreurs successifs, ce qui relève de la de la confirmation de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation[26].
Sous réserve de l’évolution jurisprudentielle, les recours à l’encontre des constructeurs sur le fondement de la responsabilité dolosive demeurent donc possible, à condition de pouvoir caractériser une violation consciente et délibérée de leurs obligations contractuelles dont font naturellement partie le respect des spécifications contractuelles, ainsi que de la réglementation et des règles d’art, et cela dans le délai de cinq ans à compter de la date de la découverte du vice.
Il s’agit ici des actions initiées d’un constructeur à l’encontre d’un autre sur le fondement contractuel ou extracontractuel.
Sous l’égide de l’ancienne loi elles avaient été régies par les dispositions des articles 2262 du Code civil, L110-4 du Code de commerce et 2270-1 du Code civil.
Leur point de départ correspondait alors à la date de la manifestation du dommage[27], ce qui permettait alors de faire partir le délai de prescription à compter de la date de la mise en cause du constructeur concerné.
L’adoption de l’article 1792-4-3 du Code civil ayant vocation de s’appliquer à l’ensemble des actions contre les constructeurs, sans distinction en fonction de la qualité du demandeur, a permis de se douter quant au maintien de l’ancienne jurisprudence sur ce point.
- Rejet de l’application de l’article 1792-4-3 du Code civil au regard des actions entre les coobligés
Une partie des juridictions du fond est cependant restée attachée à ses anciennes pratiques, en considérant que les articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du Code civil n’ont vocation à être appliquées que dans les rapports relevant de l’application du contrat louage d’ouvrage.
C’est ainsi que, dans son arrêt rendu le 20 octobre 2016[28], la Cour d’appel de Nîmes a jugé que :
« Les articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du Code civil insérés dans un titre exclusivement consacré au contrat de louage et dans un chapitre concernant le louage d’ouvrage ou d’industrie, sont propres aux actions engagées par le Maître de l’ouvrage ou par l’acquéreur à l’encontre d’un locateur d’ouvrage ou de ses sous-traitants à raison de désordres de construction…
Ces dispositions ne sont cependant pas d’application au recours des locateurs d’ouvrage ou de leurs assureurs entre eux, lesquels sont en l’espèce de nature quasi-délictuelle et n’ont pas pour objet la réparation d’un désordre de construction mais celle du préjudice résultant pour eux le cas échéant de l’obligation de garantir ou d’indemniser le Maître de l’ouvrage en raison de tels désordres.
Il s’ensuit que le point de départ de l’action récursoire des locateurs d’ouvrage ou de leurs assureurs entre eux n’est pas la date de réception mais par application de l’article 2224 du Code civil le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
La même conclusion avait été donnée dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 20 mars 2017[29].
Dans son arrêt rendu le 16 janvier 2019[30]la Cour d’appel de Bastia semble également reprendre la même approche, en ces termes :
« S’agissant de l’architecte, et consécutivement de son assureur, suivant l’article 1792-4-3 du code civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
Ces dispositions légales reprises dans le titre relatif au contrat de louage, régissent les rapports entre le maître d’ouvrage et les locateurs d’ouvrage. Rendant les délais de prescription en matière de responsabilité des constructeurs uniformes, elles s’appliquent à toutes les actions récursoires quel que soit leur fondement.
Ce texte issu de la loi du 17 juin 2008, a réduit la durée de la prescription, notamment en matière contractuelle de trente à dix ans.
Aux termes des dispositions transitoires, le délai court donc du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
Ce courant jurisprudentiel est toutefois contredit par certains arrêts rendus par d’autres juridictions.
- Application de l’article 1792-4-3 du Code civil au regard des actions entre les coobligés
C’est ainsi que dans son arrêt rendu le 27 mai 2016[31], la Cour d’appel de Bordeaux a appliqué les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil à l’action délictuelle dirigée par un titulaire d’un lot à l’encontre d’un maître d’œuvre, en ces termes :
« Aux termes de l’article 1792-4-3 du code civil, « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ».
Ce délai est applicable à la société Tunzini qui exerce une actionrécursoire de nature délictuelle à l’encontre de l’Eurl d’architecture Y Z, constructeur au sens de l’article 1792-1 du code civil. (…)
Par ailleurs, la société Tunzini ne saurait, sans dénaturer le texte, prétendre que le point de départ de la prescription est constitué par la naissance du dommage, à savoir la délivrance de l’assignation du 29 juillet 2011, alors que l’article 1792-4-3 énonce que la prescriptioncourt à compter de la réception des travaux.
C’est par suite à bon droit que le tribunal a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formulées par la société Tunzini à l’encontre de l’Eurl d’architecture Y Z, ainsi que les demandes formulées par l’Eurl d’architecture Y Z à l’encontre de la société 4A. »
L’approche adoptée par la Cour d’appel de Bordeaux semble être plus respective de a lettre du texte que celle des Cours d’appel de Nîmes, Versailles et Bastia.
Cependant, il est certain que de point de vue strictement pratique il serait plus prudent de permettre aux constructeurs, assignés le dernier jour avant l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la réception, de formuler leurs éventuels appels en garantie à l’encontre des autres constructeurs, dans le cadre d’un recours entre les coobligés.
En effet, même éventuelle subrogation dans les droits du demandeur ne garantirait pas au constructeur mis en cause de pouvoir valablement régulariser son recours contre son coobligé, dès lors que le demandeur ne l’a par exemple pas mis en cause lui-même.
La solution adoptée par les Cours d’appel de Nîmes, Versailles et Bastia vise donc de protéger la sécurité économique des acteurs de la construction, et cela au détriment de l’objectif annoncé par la réforme de la prescription visant d’obtenir l’unification des délais d’action contre les constructeurs.
Même si cette dernière solution semble être à ce jour majoritairement adoptée, il convient d’attendre son éventuelle confirmation ou infirmation par la Haute juridiction.
- Actions d’un tiers formées au titre d’un trouble anormal de voisinage
Dansson arrêt rendu le 13 septembre 2018 la Cour de cassation a jugé que :
« … l'action pour troubles anormaux du voisinage constitue une action en responsabilité extra-contractuelle et non une action immobilière réelle et qu'une telle action était soumise à la prescription de dix années aux termes de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ».
Il en ressort sans grande surprise que le délai de prescription en matière de trouble anormal de voisinage est celui de droit commun.
Aux termes de l’article 2270-1 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 une telle action était soumise à la prescription de dix ans à compter de la date de la manifestation du dommage.
Sous l’égide des dispositions de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, il convient toutefois de s’interroger si une telle action :
- continue à être soumise aux dispositions de droit commun, c’est-à-dire celles de l’article 2224 du Code civil ou
- relève désormais des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil.
Il est possible que ces deux hypothèses soient encore admises en fonction de l’auteur de l’action.
En effet, si l’on transpose dans notre hypothèse la jurisprudence récente rendue en matière de recours entre les coobligés par les Cours d’appel de Nîmes, Versailles et Bastia, l’article 1792-4-3 du Code civil n’a vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse des relations relevant des contrats de location d’ouvrage.
Plus concrètement, il s’agirait d’hypothèse :
- d’un recours d’un maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants
- d’un recours d’une entreprise principale ou d’un titulaire d’un lot contre ses propres sous-traitants
- d’un recours d’un sous-traitant contre son propre sous-traitant ou les sous-traitants de ce dernier.
Dans cette logique, seul le recours d’un maître d’ouvrage contre les constructeurs et leurs sous-traitants serait cantonné à dix ans à compter de la date de la réception des travaux.
En revanche, en application de la jurisprudence suscitée et sous réserve de son éventuelle évolution, les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil n’auraient pas vocation à s’appliquer au recours d’un tiers à l’encontre des constructeurs recherchés en leur qualité de voisins occasionnels.
Le cas échéant, le recours d’un tiers à leur encontre devrait relever logiquement de la prescription quinquennale de droit commun au sens de l’article 2224 du Code civil.
- Action à l’encontre des fournisseurs
Le fournisseur, à l’exception d’un fabriquant d’EPERS, ne relève pas des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil.
Par conséquent, les dispositions des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil n’ont pas de vocation à s’appliquer à son encontre.
Les délais d’action à son égard relèvent donc soit des dispositions spécifiques de droit de la vente soit au regard des action en non-conformité des dispositions de droit commun.
Il convient cependant être vigilant au regard de son point de départ en fonction de la qualité des parties en cause.
En effet, à la différence de l’article 2224 du Code civil, le premier alinéa de l’article L110-4 du Code de commerce, ne précise pas de point de départ de la prescription pour les actions entre commerçants et non-commerçants.
Après la réforme de la prescription en 2008, certains auteurs[32]s’accordaient à ce qu’en dépit de cette divergence de rédaction, la volonté du législateur était d’unifier les délais, en considérant que le point de départ de la prescription prévue à l’article L110-4 du Code de commerce devrait être le même que celui de l’article 2224 du Code civil, à savoir le « jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Cependant, la Cour de cassation a préféré faire perdurer son ancienne jurisprudence, en appliquant les différents points de départ de cette prescription en fonction de la nature des demandes.
C’est ainsi que de manière constante, au visa de l’article L110-4 du Code de commerce, la Haute juridiction retient notamment :
- pour les actions en non-conformité ou vice caché, en fonction de la Chambre de la Cour de cassation saisie par le litige,
- soit le jour de la livraisonà l’entrepreneur[34]pour la 3èmechambre civile de la cour de cassation, à l’exception de son seul arrêt dissident rendu le 22 novembre 2008[35]
- soit le jour de la vente initiale[36]pour la 1èrechambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation.
Il convient donc tenir de cette jurisprudence constante de la Cour de cassation en ce qui concerne le point de départ de délai d’action pour les actions en non-conformité ou vice caché.
* * *
Une fois nous avions préciser l’articulation entre les dispositions applicables relativement les délais d’action contre les constructeurs, penchons nous pour être complets sur les modalités de l’application dans le temps des nouvelles dispositions introduits dans le Titre III du code civil respectivement par l’Ordonnance du 8 juin 2005 et la loi du 17 juin 2008.
- Application dans le temps des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du Code civil
L’adoption de ces deux textes ayant eu lieu en deux temps et par des instruments législatifs bien distincts, il convient d’étudier les modalités de leur application dans le temps séparément.
- Application dans le temps de l’article 1792-4-2 du Code civil
Par article 2 de l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, il a créé un régime dérogatoire pour les actions à responsabilité intentées contre les sous-traitants en introduisant dans le Code civil l’article 2270-2 ré codifié suite à la réforme de 2008 sous le numéro 1792-4-2 du Code civil.
Ce nouveau texte avait vocation d’unifier les délais d’action sur le secteur de la construction en cantonnant l’action à l’encontre des sous-traitants à dix ans à compter de la réception.
Il s’agissait d’une seule disposition de l’Ordonnance susvisée, laquelle pouvait être appliquée aux marchés conclus avant sa publication.
En effet, l’article 5 de cette ordonnance prévoyait que « les dispositions du présent titre, à l’exception de celles de l’article 2, ne s’appliquent qu’aux marchés, contrats ou conventions conclus après la publication de la présente ordonnance ».
Selon une partie de la doctrine, l’application de cette disposition aux contrats en cours aurait dû résulter par ailleurs conformément aux principes dégagés en la matière par la jurisprudence qui retient la règle d’application immédiate de toute prescription plus courte que celle remplacée (règles de rétroactivité in mitius).
Cependant, il s’agit de la règle applicable aux seules poursuites pénales[37].
C’est ainsi que la jurisprudence a :
- d’abord exclu son application rétroactive au regard des litiges en cours, en ces termes :
« si l’ordonnance du 8 juin 2005, prise en son article 2, était d’application immédiate pour les contrats conclus antérieurement, cette application immédiate ne pouvait avoir pour effet,sauf à violer le principe de la non-rétroactivité des lois, d’appliquer une prescription, acquise en vertu des nouveaux principes au litiges en cours »[38].
- et ensuite au regard des marchés en cours d’exécution, en considérant qu’une telle rétroactivité n’avait pas été prévue expressément par le texte.
C’est ainsi que, dans ses trois arrêts rendus en 2014[39]et 2015[40], la Cour de cassation a :
- sanctionné les décisions des Cours d’appel appliquant ce texte au regard des marchés conclus antérieurement à l’ordonnance de 2005
- appliqué les dispositions de l’article 2270-1 du Code civil portant sur la prescription extracontractuelle de droit commun, laquelle était alors fixée à dix ans à compter de la date de la manifestation du dommage[41]
- jugé que le délai d’action contre des sous-traitants courtà compter du premier acte dénonçant les dommages à l’entreprise générale ; une telle dénonciation valant donc pour le sous-traitant la date de la manifestation du dommage.
Cette logique n’est évidemment pas transposable aux marchés conclus postérieurement à la date de l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005.
Ainsi, sauf à retenir l’application immédiate de ce texte en dépit de la jurisprudence susvisée, il convient d’en déduire que l’article 2270-2 devenu 1792-4-2 du Code civil ne s’applique qu’aux marchés conclus à compter du 10 juin 2005, dès lors que l’Ordonnance du 8 juin 2005 avait été publiée au Journal Officiel le 9 juin 2005.
- Application dans le temps de l’article 1792-4-3 du Code civil
Les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil sont issues quant à elles de la loi du 17 juin 2008.
Comme cela avait été rappelé ci-dessus, ce texte prévoit un délai de prescription de dix ans à compter de la réception des travaux pour toutes les actions en responsabilité contre les constructeurs, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du Code civil. Il s’agit d’un nouvel article 1792-4-3 du Code civil.
Autrement dit, ce texte conçu comme une véritable disposition « balais », avait vocation d’unifier le régime des délais d’action dans le secteur de la construction.
Les dispositions transitoires prévues par l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 prévoient que lorsqu’une instance a été introduite avant le 19 juin 2008, « l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation »
Au regard de la complexité et l’imbrication des procédures dans le cadre des dossiers en construction, il pourrait donc être utile de distinguer chacune d’elles pour déterminer le régime des délais d’actions.
L’article 26 de la loi du 17 juin 2008 prévoit également l’application de la nouvelle loi dans l’hypothèse où l’application de la loi nouvelle conduit à une réduction de la prescription.
Or, les nouvelles dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil réduisent manifestement les délais de prescription prévus par l’ancienne loi.
Dans ce contexte, pour l’ensemble des travaux exécutés et désordres apparus avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008, dès lors que l’action avait été introduite postérieurement à cette loi, les nouvelles dispositions ont vocation à s’appliquer.
C’est ainsi que dans la mesure où l’instance en référé est bien distincte de l’instance au fond, il n’est pas impossible qu’il convienne d’appliquer :
- l’ancienne loi à l’instance en référé et la mesure d’instruction si ces dernières ont été initiées avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et
- la loi nouvelle à l’instance au fond si cette dernière a été engagée postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.
Il en est autrement dans l’hypothèse où la mesure d’instruction avait été ordonnée par le Juge de la mise en état dans le cadre de l’instance au fond initiée avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008, auquel cas toute la procédure sera sous l’égide des anciennes dispositions.
* * *
Tel est donc à ce jour le tableau général délais d’action applicables aux recours à l’encontre des constructeurs au regard des dispositions issues de l’Ordonnance du 8 juin 2005 et de la loi du 17 juin 2008 ainsi que de la jurisprudence rendue en leur application.
Le caractère relativement récent de ces dispositions permet néanmoins penser que la jurisprudence rendue en leur application a encore vocation à évoluer et pour le moins d’être précisée sur plusieurs aspects.
De même, sur plusieurs points essentiels il manque à ce jour la position tranchée de la Haute juridiction.
Il conviendrait donc continuer de traiter l’application de ces dispositions avec la plus grande prudence, en appliquant en cas de doute les délais les plus courts et les dispositions les plus défavorables à la partie dont les intérêts nous représentons, sans oublier les particularités du régime de la forclusion ne permettant notamment pas de bénéficier de leur suspension pendant la mesure de l’instruction.
Enfin, il est naturellement indispensable de veiller avec la plus grande attention à toute éventuelle évolution de la jurisprudence en la matière.
Daria BELOVETSKAYA
AVOCAT AUX BARREAUX DE PARIS ET DE SAINT-PETERSBOURG
[1]Cass. Civ 3ème 23 février 2017 n° 15-28065 ; Cass., 3èmeCiv., 4 novembre 2004 n° 03-12.481 ; Cass., 3èmeCiv., 10 novembre 2016, n° 15-24.289
[2]Cass. 3e civ., 8 février 2012, n°11-11.417 ;Cass. 3e civ., 11 juillet 2012, n°10-28.535 ; Cass. 3e civ., 11 septembre 2012, n°11-21.972
[3]Cass. 3èmeCiv. 26 juin 2002, n°00-12023, Publié au bulletin ; Cass. 3ème Civ. 7 janvier 2016, n°14-17.033 et 14-17.669 ; Cass. 3èmeCiv 7 juin 2018 n°17-10.394
[4]Cass., Civ. 1ère, 19 octobre 1999, 97-14.067, Publié au bulletin ; Cass. 1èreCiv. 6 juin 2018 n°17-17.438 ; Cass., Com. 27 novembre 2001, 99-13.428, Publié au bulletin
[8]JP antérieure : n° 76-15609, n° 71-1446, n° 76-15591, n° 78-15749 / JP postérieure : RG 16-19061
[10]C. Civ. Art. 2239, al.2 ; RG15-28065, 03-12.481, 15-24.289, 14-15.796
[14]CA Bordeaux, 2e ch. civ., 12 janv. 2017, n° 14/06347
[15]CA Nîmes, 20 oct. 2016, n°16/00064 ; CA Bastia, ch. civ. a - sect. 2, 16 janv. 2019, n° 16/00381
[16]Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n° 16-15.086
[17]CA Paris, pôle 4 - ch. 6, 25 janv. 2019, n° 17/11742
[18]T. com. Bobigny, ch. 05, 24 avr. 2018, n° 2017F00914
[19]CA Nîmes, 20 oct. 2016, n° 16/00064 ; CA Bastia, ch. civ. a - sect. 2, 16 janv. 2019, n° 16/00381
[20]T. com. Paris, 10e ch., 10 mars 2017, n° 2015065008
[21]Cass. 3e civ., 5 janv. 2017, n° 15-22.772, Publié au bulletin
[22]Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-19701
[23]Cass. 3èmeCiv. 12 juillet 2018 n°17-19.701
[24]Cass. 3èmeCiv. 12 juillet 2018 n°17-20.627
[25]Cass. 3èmeCiv. 12 juillet 2018 n°17-20.627
[26]Cass. 3èmeCiv. 8 septembre 2009 n°08-17.336, Cass. 3èmeCiv. 27 mars 2013, n°12-13.840, Cass. 3èmeCiv. 9 juillet 2014, n°13-15.923
[27]Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 13-17.786
[28]CA Nîmes, 20 oct. 2016, n° 16/00064
[29]CA Versailles, 04, 20 mars 2017, n° 14/04773
[30]CA Bastia, ch. civ. a - sect. 2, 16 janv. 2019, n° 16/00381
[31]CA Bordeaux, 27 mai 2016, n° 14/03032
[32]STROCK, La prescription et la reforme du 17 juin 2008, LPA 2 avril 2009, n°66, P.37 ; CASSON, Le nouveau régime de prescription, in CASSON et PIERRE, La réforme de la prescription en droit civil : le chaos enfin régulé ? 2010, Coll. Thèmes et commentaires, Dalloz, p.33
[33]Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2009, 08-10.820, Publié au bulletin
[34]Cass. 3èmeCiv. 26 juin 2002, n°00-12023, Publié au bulletin ; Cass. 3ème Civ. 7 janvier 2016, n°14-17.033 et 14-17.669 ; Cass. 3èmeCiv 7 juin 2018 n°17-10.394
[35]Cass. 3èmeCiv. 22 novembre 2006, 05-19.565, Publié au bulletin
[36]Cass., Civ. 1ère, 19 octobre 1999, 97-14.067, Publié au bulletin ; Cass. 1èreCiv. 6 juin 2018 n°17-17.438 ; Cass., Com. 27 novembre 2001, 99-13.428, Publié au bulletin
[37]Cass. com., 27 oct. 2009, n° 08-16.870
[38]Cass. 3e civ., 8 sept. 2010, n° 09-67.434, Bull. 2010, III, n° 151
[39]Cass. 3e civ., 8 juill. 2014, n° 13-20.055
[40]Cass. 2 juin 2015 n° 14-16.823 et Cass. 29 octobre 2015 n° 14-24.771