DUREE DES DIFFERENTS VOLETS DE LA GARANTIE DE LIVRAISON (CONTRAT DE CONSTRUCTION DE MAISON INDIVIDUELLE- CCMI)
Cass. 3ème Civ., 30 janvier 2019, n°17-25.952
Sous la lumière de la jurisprudence récente en matière de réception tacite de l’ouvrage:
Cass. 3ème Civ. 30 janvier 2019, n°18-10.197
Cass. 3ème Civ. 14 février 2019, n°17-31.083
- Double vocation de la garantie de livraison dans les CCMI
La garantie de livraison qui doit être souscrite par le constructeur de maison individuelle, avec ou sans fourniture du plan, conformément à l’article L231-6 du Code de la construction et de l'habitation, a vocation à protéger le maître d’ouvrage contre :
- Le dépassement des délais d’exécution conventionnellement convenus (pénalités de retard) et
- Le dépassement du prix dans l’hypothèse d’une défaillance du constructeur, tant économique (liquidation judiciaire) que matérielle (défauts et vices réservés à la réception).
Si le point de départ de ces deux garanties correspond à la date de l’ouverture du chantier (DROC), leur terme respectif dépend de deux évènements bien distincts, à savoir :
- La livraison pour la garantie des délais et
- La réception sans réserve ou une levée de l’ensemble des réserves pour la garantie du prix.
Or, dans l’esprit des maîtres d’ouvrage la distinction entre ces deux évènements et leurs effets respectifs peut être confuse.
Tel était probablement le cas en l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt commenté[1].
- Arrêt commenté
En l’espèce, les Consorts X ont conclu avec un constructeur un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan.
A la demande du garant de livraison, le délai d’exécution des travaux a été porté de neuf à vingt- cinq mois. Un avenant a été signé en ce sens.
Cependant, les maîtres d’ouvrage ont pris possession de l’immeuble contre le gré du constructeur neuf mois avant l’expiration du délai contractuel.
De plus, un an après l’expiration du délai contractuel, les Consorts X ont résilié le contrat et assigné le constructeur avec le garant de livraison en indemnisation.
A l’appui de leurs prétentions, les Consorts X évoquaient notamment :
- La nullité de l’avenant ayant pour objet le rallongement des délais d’exécution des travaux au motif qu’il ne leur a pas été notifié par lettre recommandée conformément aux dispositions de l’article L231-2 duCCH
Ce grief a été écarté par la Cour d’appel de Chambéry dans son arrêt rendu le 9 mai 2017 dont le raisonnement a été approuvé de plus fort par la Cour de cassation.
La Haute juridiction rappelait à cette occasion que le défaut du respect de ce formalisme n’est pas sanctionné par la nullité ou l’inopposabilité de l’avenant litigieux.
En effet, en l’absence de notification prévue par l’article L231-2 du CCH, les maîtres d’ouvrage pouvaient seulement se rétracter à tout moment, dans la mesure où le délai de rétractation n’avait pas commencé à courir.
Or, aucune demande à ce titre n’a été formulée par ces derniers en sorte que ce moyen a été jugé inopérant, en ces termes :
« Mais attendu, d’une part, que la sanction du défaut de notification d’un avenant modifiant un des éléments visés à l’article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation n’est ni la nullité ni l’inopposabilité de cet avenant ; que, dans ce cas, le délai de rétractation ouvert par l’article L. 271-1 du même code n’a pas commencé à courir ; qu’ayant relevé que M. et Mme X... ne sollicitaient que la nullité de l’avenant prorogeant le délai d’exécution des travaux, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante».
- Absence de livraison au motif que leur prise de possession de l’immeuble litigieux ne pouvait pas valoir son acceptation en état, notamment au regard des désordres l’affectant et le litige les opposant au constructeur
A nouveau, les Consorts X avaient été déboutés de ce moyen par la Cour d’appel de Chambéry, dont la motivation était validée par la Haute juridiction.
Sur ce point, la Cour de cassation a réitéré son ancienne jurisprudence rappelée ci-dessous, en indiquant que la prise de possession de l’immeuble faisait obstacle à leur demande visant obtenir les pénalités de retard, en ces termes :
« Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu que M. et Mme X... avaient pris possession de l’immeuble contre le gré du constructeur avant la date du délai contractuel de livraisonpuis rompu unilatéralement le contrat, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que M. et Mme X... ne pouvaient réclamer des pénalités de retard et a légalement justifié sa décision ».
Pour mémoire, les dispositions de l’article L231-6 IV du CCH sont libellées comme suit :
« La garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l'expiration du délai de huit jours prévus à l'article L. 231-8 pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées ».
Selon certains auteurs, ce texte pourrait être interprété comme rallongeant la durée de la garantie de livraison dans son ensemble jusqu’à la date de la levée des réserves.
Cependant, de longue date, la Haute juridiction a adopté une interprétation restrictive de ce texte, en considérant que la prolongation de la garantie ne porte que sur la garantie du prix mais non pas des délais.
En ce sens l’arrêt rendu le 22 novembre 2002[2]:
« Attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la clause pénale prévue au contrat avait pour terme la livraison de l'ouvrage, a exactement retenu qu'il convenait de distinguer la livraison de la réception, et que les dispositions de l'article R. 231-6. IV (en réalité article L.231-6.IV) du code de la construction et de l'habitation prolongeant la garantie jusqu'à la date de la réception des travaux n'était pas applicable aux pénalités de retard ».
Autrement dit, seule la livraison met terme aux pénalités dues par le constructeur et le garant.
D’où l’intérêt de déterminer clairement les critères de qualification de la livraison et de la réception de l’ouvrage.
Comme cela avait été évoqué ci-dessus, en l’espèce commentée, les maîtres d’ouvrage contestaient la matérialité de la livraison de l’immeuble au motif de l’absence de leur côté de la volonté non-équivoque de l’accepter.
Autrement dit, ils confondaient les critères de la livraison et de la réception de l’ouvrage.
Or, au regard de la jurisprudence applicable en la matière la distinction entre ces deux évènements semble être désormais définie.
A l’occasion de la présente publication, nous vous proposons de les rappeler ci-dessous :
1) Critères de la réception de l’ouvrage
- a) Insuffisance de la simple prise de possession
La Haute juridiction écarte systématiquement la qualification de la réception en présence d’une seule prise de possession de l’ouvrage.
Tel est le sens de ses anciens arrêts rendus le 4 octobre 1989 et 4 avril 1991, en ces termes :
« Attendu que pour rejeter la demande dirigée par les époux X..., maîtres de l'ouvrage qui arguaientdel'inachèvementdestravauxetdemalfaçons,àl'encontredelasociétéCopreco Aquitaine, constructeur de leur maison en vertu d'un contrat du 22 février 1982, l'arrêt attaqué (Pau, 3 décembre 1987), relève que les époux X... ont pris possession des lieux sans dresser contradictoirement le procès-verbal de réception de sorte que la garantiedécennale court de cet évènement qui vaut réception tacite;
Qu'en statuant ainsi par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »[3].
Et
« Attendu que pour décider que l'immeuble des époux Y... avait fait l'objet d'une réception tacite, l'arrêt retient qu'en donnant aux acquéreurs l'autorisation d'occuper leur villa, non atteinte à l'époque de désordres apparents, alors que le chantier se poursuivait pour d'autres constructions, le maître de l'ouvrage a manifesté sans équivoque, au su de la société Entreprise générale X..., son acceptation à cette date de la villa achevée ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever aucun fait établissant le caractère contradictoire de la réception à l'égard de l'entrepreneur auquel cette réception était opposée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »[4].
Il en ressort très clairement que la seule prise de possession de l’ouvrage ne vaut automatiquement pas sa réception.
Sous l’égide de la jurisprudence antérieure, il était en effet requis de démontrer la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux[5].
- b) Volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir lestravaux
La preuve de cet élément intentionnel et par définition subjectif devait être le plus souvent apportée par un faisceau d’indices parmi lesquels figurait notamment le paiement de l’intégralité des travaux et l’absence de litigefinancier.
Tel était notamment le sens de l’arrêt rendu par la Haute juridiction le 13 juillet 2017[6]:
« Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, qu'il appartenait à la société Yvon Boyer, qui invoquait une réception tacite, de la démontrer et relevé que M. et Mme Y... habitaient l'orangerie, non affectée de désordres, et non le moulin, objet des désordres, et que la société Yvon Boyer ne pouvait se prévaloir du paiement des travaux puisqu'elle leur réclamait le solde de sa facturation, la cour d'appel, qui a pu en déduire qu'en l'absence de preuve de la volonté des maîtres de l'ouvrage d'accepter celui-ci, la réception tacite ne pouvait être retenue et que seule la responsabilité contractuelle de la société Yvon Boyer pouvait être recherchée, a légalement justifié sa décision de ce chef».
Sous l’égide de ce courant jurisprudentiel, il appartenait au maître d’ouvrage d’apporter la preuve de sa volonté non-équivoque de recevoir les travaux.
A défaut, en l’absence de réception expresse, ces derniers seraient donc privés de bénéfice des garanties obligatoires, relevant notamment de l’assurance Dommages Ouvrage et de la responsabilité civile décennale des constructeurs.
Jugée trop contraignante pour les maîtres d’ouvrage, cette jurisprudence a fait récemment un objet de revirement.
- c) Renversement de la charge de la preuve
C’est ainsi que dans son arrêt du 30 janvier 2019[7], la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le paiement intégral d’un lot et sa prise de possession par le maître d’ouvrage valent présomption de réception tacite, en ces termes :
« Qu’en statuant ainsi, alors que l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception et que le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
La charge de la preuve était donc renversée mais les conditions de la réception tacite demeurent les mêmes, à savoir :
- La prise de possession des lieux et
- Le paiement de l’intégralité des travaux,
Etant précisé qu’à cet égard l’achèvement de l’ouvrage est sans importance comme le rappelle à nouveau la Cour de cassation dans son très récent arrêt rendu le 14 février 2019[8].
Penchons-nous maintenant sur les critères de la réception tacite dans le domaine des CCMI.
- d) Critères de réception applicables aux CCMI
Ces mêmes critères s’appliquent pour les contrats de construction de maisons individuelles, comme en témoigne l’arrêt rendu le 20 avril 2017[9] :
« Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que les dispositions applicables au contrat de construction de maison individuelle n'excluaient pas la possibilité d'une réception tacite et relevé que les prestations de la société MCA avaient été payées à hauteur de 95 % et que les locataires étaient entrés dans les lieux le 16 décembre 2009 pour le lot 8 et le 7 décembre pour le lot 38, ce dont il résultait une volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage d'accepter les travaux au plus tard le 16 décembre 2009, la cour d'appel, qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu fixer à cette date la réception tacite pour la société MCA, a légalement justifié sa décision de ce chef».
Il est à noter qu’en l’espèce, la réception tacite a été ainsi caractérisée à l’encontre de la position défendue par le maître d’ouvrage.
En revanche, il convient de rappeler que comme cela avait été jugé dans un arrêt rendu le 6 mai 2015[10], doit être réputée non écrite la clause insérée dans un contrat de construction de maison individuelle assimilant la simple prise de possession à une réception « de fait » et « sans réserve°» en ces termes:
« Mais attendu qu'ayant relevé que la clause litigieuse assimilait la prise de possession à une réception « de fait » et « sans réserve » alors que la réception suppose la volonté nonéquivoque du maître de recevoir l'ouvrage que la seule prise de possession ne suffit pas à établir, la cour d'appel a, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, retenu, à bon droit, que cette clause, qui, insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel, crée au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu'elle impose au maître de l'ouvrage une définition extensive de la réception, contraire à la loi, ayant pour effet annoncé de rendre immédiatement exigibles les sommes restant dues, devait être réputée non écrite».
Nous revenons donc au point de départ de notre présentation, qui consistait à rappeler que la simple prise de possession des lieux ne suffit pas à caractériser la réception de l’ouvrage.
En revanche, comme cela résulte notamment de l’arrêt rendu le 30 janvier 2019[11], la prise de possession même anticipée et à l’encontre de gré du constructeur caractérise à elle seule la livraison de l’ouvrage.
2) Critères de la livraison del’ouvrage
La livraison de l’ouvrage étant caractérisée par la prise de possession des lieux en état habitable correspond classiquement à la date de la remise des clefs au maître d’ouvrage(a).
Cependant la jurisprudence a admis également que la prise de possession anticipée de l’ouvrage vaut également la livraison (b).
- a) Prise de possession des lieux en état habitable
Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation rappelée ci-dessus[12], la livraison de l’ouvrage suffit pour mettre terme aux pénalités dues par le constructeur et le garant.
Or, à partir du moment où l’ouvrage est habitable, la prise de possession des lieux suffit pour caractériser la livraison en cela en dépit des éventuels défauts et vices d’exécution à lever.
Tel est le sens de l’arrêt rendu par 3ème Chambre civile de la Cour de cassation le 31 janvier 2007[13] :
« Mais attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que l'ouvrage avait fait l'objet d'une réception avec l'assistance et sous le contrôle d'un professionnel le 12 janvier 2000, que les clefs avaient été remises le même jour, et que les réserves formulées n'empêchaient pas l'utilisation de l'immeuble affecté à l'habitation, a exactement retenu en application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, cette date comme date de livraison de l'ouvrage ».
Il s’agit d’une solution favorable au garant de livraison, lequel ne doit donc pas garantir le paiement des pénalités de retard lors que le maître d’ouvrage a pris la possession des lieux.
En l’absence de l’intervention de législateur sur ce point, la jurisprudence est allée encore plus loin en acceptant la qualification de la livraison par la prise de possession anticipée et contre le gré du constructeur[14].
- b) Prise de possession anticipée et contre le gré du constructeur
L’écart entre la date de cessation des deux garanties essentielles du garant de livraison se creuse davantage si l’on admet la livraison par la prise de possession anticipée de l’ouvrage, comme cela a été le cas dans l’arrêt suivant rendu par la Cour de cassation le 29 mars 2006[15]:
« Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les époux X... avaient pris possession du bien avant l'expiration du délai d'un an prévu au contrat de construction, et exactement retenu que la livraison pouvait être opérée avant l'achèvement total de l'ouvrage sous forme de prise de possession anticipée, la cour d'appel a énoncé à bon droit qu'il n'y avait pas lieu d'allouer aux époux X... le bénéfice de pénalités contractuelles de retard, la décision des premiers juges de faire courir cette peine jusqu'à la levée des réserves consignées à la réception de l'ouvrage procédant de la confusion entre livraison et réception, et les dispositions de l'article L. 231-6-IV du Code de la construction et de l'habitation étant inapplicables aux pénalités de retard ».
La même solution a été adoptée dans un arrêt rendu le 10 mai 2010[16] :
« Attendu que pour condamner la société JCD Landes au paiement, après compensation, d'une certaine somme, l'arrêt retient qu'il résulte des articles L. 231-2 et R. 213-14 du code de la construction et de l'habitation que la livraison de l'immeuble s'entend de l'exécution de l'ensemble des prestations convenues, que les pénalités de retard doivent s'apprécier, non par rapport à la réception de l'ouvrage mais par rapport à l'achèvement définitif des travaux, que c'est donc exactement que les pénalités de retard ont été décomptées jusqu'au jour du jugement qui, statuant sur le règlement des sommes dues de part et d'autre en exécution du contrat, a mis fin à celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les pénalités prévues en cas de retard ont pour terme la livraison qui peut être opérée avant l'achèvement total de l'ouvrage sous forme de prise de possession anticipée, et non la levée des réserves consignées à la réception, la cour d'appel, qui a constaté que les époux X... avaient pris possession de la maison dans le délai contractuel, a violé les textes susvisés ».
Dans ces deux arrêts, la levée des réserves prononcée à la réception était largement postérieure à la date de la prise de possession des lieux par les maîtres d’ouvrage.
Ces derniers ont donc cru pouvoir assigner le garant de livraison[17] en lui réclamant le paiement des pénalités de retard conventionnellement stipulées[18].
La prétention était fondée sur les dispositions de l'article L. 231-6 I c) du code de la construction et de l'habitation[19], obligeant le garant à prendre à sa charge « les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours ».
Cependant, en jugeant que la livraison est caractérisée par la prise de possession anticipée de l’ouvrage, dans les deux arrêts susvisés, la Haute juridiction écarte les prétentions respectives des maîtres d’ouvrage au titre des pénalités de retard.
L’arrêt commenté[20] adopte par ailleurs la même solution dans le droit fil de la jurisprudence précitée, en précisant qu’il s’agit non seulement d’une prise de possession anticipée mais également intervenue contre le gré du constructeur.
- c) Validité de la pénalité contractuelle de résiliation unilatérale du contrat
De plus, la Cour de cassation a validé la décision de la Cour d’appel de Chambéry en ce que cette dernière a condamné les maîtres d’ouvrage au paiement d’une indemnité de 10% calculé sur le solde du contrat du fait de la résiliation unilatérale du contrat de leur part, en ces termes :
« Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 28 du contrat prévoyait, en cas de résiliation unilatérale par le maître d’ouvrage sur le fondement de l’article 1794 du code civil, une indemnité de 10 % calculée sur le solde du contrat et retenu qu’à la date de résiliation, ce solde permettait le calcul de la pénalité, la cour d’appel, qui a constaté que M. et Mme X... contestaient toute créance de ce chef de la société Cmagic, n’invoquaient pas la connexité d’éventuelles créances réciproques et ne réclamaient pas de compensation, a pu les condamner à payer au liquidateur de la société Cmagic la somme litigieuse ».
Cette décision extrêmement défavorable aux maîtres d’ouvrage dénote la volonté de la Haute juridiction et des juges du fond de préserver un équilibre dans les relations entre le constructeur de maison individuelle, le garant de livraison et le maître d’ouvrage, et cela en dépit des règles extrêmement protectrices au regard de ce dernier.
Les constructeurs de maisons individuelle et les garants de livraison ne peuvent donc que saluer la jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation en ce sens.
* * *
Nous devons tout de même rappeler à l’occasion de cet arrêt qu’il a été jugé par le passé que la résiliation du contrat de construction n’ayant pas d’effet rétroactif ne fait pas obstacle à l’application au constructeur de pénalités contractuelles en cas de retard d’exécution[21].
Ainsi, si en l’espèce les maîtres d’ouvrage n’avaient pas pris la possession des lieux de manière anticipée, ils auraient pu obtenir du garant de livraison des pénalités de retard, et ce en dépit même de la résiliation unilatérale du contrat à leur initiative.
Le cas échéant, en l’espèce, comme le rappelle d’ailleurs la Haute juridiction dans l’arrêt commenté, il aurait fallu solliciter une compensation entre les pénalités de retard et la pénalité de résiliation prévue contractuellement.
Autrement dit, il ne peut être que très vivement déconseillé aux maîtres d’ouvrage de prendre la possession des lieux sans attendre la levée de l’ensemble des réserves prononcées à la réception.
A défaut, comme cela fut le cas dans l’espèce commenté, ni le constructeur ni le garant ne serait plus tenus par la clause de pénalités de retard.
Il conviendrait toutefois de rester vigilant au regard des éventuels évolutions jurisprudentielles et / ou législatives en la matière.
[1] Cass. 3ème Civ., 30 janvier 2019, n°17-25.952
[2] Cass. Civ. 3ème, 22 novembre 2002, n°01-12.388
[3] Cass. 3ème Civ. 4 octobre 1989, n°88-12.061
[4] Cass. 3ème Civ. 4 avril 1991, 89-20.127
[5] Civ. 3e, 18 nov. 1992, n° 91-13.161; Civ. 1re, 10 juill. 1995, n° 93-13.027 ; Civ. 3e, 19 juin 2012, n° 10-27.605 ; 12 févr. 2014, n° 13-10.930 ; 13 juill. 2016, n° 15-17.208
[6] Cass. 3ème Civ. 13 juillet 2017, n°16-19.438
[7] Cass. 3ème Civ. 30 janvier 2019, n°18-10.197
[8] Cass. 3ème Civ. 14 février 2019, n°17-31.083
[9] Cass. Civ. 3ème, 20 avril 2017, n°16-10.486
[10] Cass. 3ème civ. 6 mai 2015, n°13-24.947
[11] Cass. 3ème Civ., 30 janvier 2019, n°17-25.952
[12] Cass. Civ.3ème, 22 novembre 2002, n°01-12.388
[13] Cass. 3ème Civ. 31 janvier 2007, n°05-20.683
[14] Cass. 3ème Civ., 30 janvier 2019, n°17-25.952
[15] Cass. 3ème Civ. 29 mars 2006, n°05-11.509
[16] Cass. 3ème Civ. 10 mai 2007, n°06-12.513
[17] Sur le fondement de l'article L. 231-6 IV du code de la construction et de l'habitation
[18] Prévues à l'article L.231-2 i) du code de la construction et de l'habitation et réglementées par l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation
[19] Applicable aussi en cas de contrat sans fourniture de plan par l'article L. 232-2 CCH
[20] Cass. 3ème Civ., 30 janvier 2019, n°17-25.952
[21] Cass. 3ème Civ. 22 septembre 2010, n°09-15.318