SUR LES EFFETS DES CLAUSES DE CONCILIATION
Civ. 3ème 14 septembre 2017, pourvoi n°16-19061, Inédit
L’action à l’encontre du maître d’œuvre est considérée comme irrecevable par le juge, faute de recours préalable à la procédure de conciliation prévue au contrat. C’est ce qui ressort de l’arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2017[1].
- Quels sont les effets d’une clause de conciliation ?
Les contrats types du conseil de l’ordre des architectes contiennent une clause de conciliation préalable en cas de litige largement reprise dans les contrats proposés par les architectes[2], des clauses similaires sont parfois également incluses dans les contrats d’autres intervenants à la construction.
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation réaffirme par son arrêt du 16 novembre 2017 [3], l’irrecevabilité de l’action engagée contre le maître d’œuvre faute de mise en œuvre du préalable de conciliation prévu au contrat, et l’impossibilité de régulariser en cours d’instance.
Il s’agit pour la Cour de cassation de donner toute sa force à une disposition contractuelle créant une alternative au règlement judiciaire des litiges.
La Chambre mixte, le 14 février 2003[4] avait posé le principe selon lequel « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent »
La même chambre mixte a mis fin le 14 février 2014 [5] à la divergence d’analyse de la 1ère chambre et de la chambre commerciale et a posé le principe selon lequel la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge « n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance » malgré les dispositions de l’article 126 du CPC aux termes duquel « dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Cette solution a déjà été rappelée par deux arrêts rendus en 2016 [6].
- Ce principe connait néanmoins des limites
La clause contractuelle prévoyant un préalable de règlement amiable, doit être assortie de conditions particulières de mise en œuvre suffisamment précises.
A défaut, elle ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci [7], la chambre commerciale paraissant plus stricte sur les conditions particulières que la 3ème chambre civile.
De même la clause ne peut recevoir application lorsque le maître d’œuvre est recherché sur sa responsabilité décennale [8] dès lors qu’il ne peut être dérogé aux dispositions qui la régissent.
Enfin, l’existence d’une clause de conciliation préalable ne saurait avoir pour effet de faire échec à l’exercice de l’action directe contre l’assureur de l’architecte[9].
En revanche, la clause joue pleinement lorsque par exemple :
- La responsabilité de l’architecte est recherchée sur sa responsabilité contractuelle de droit commun. Pour tous les litiges relatifs à la définition des travaux et à d’éventuelles prestations supplémentaires dues à l’entreprise comme dans l’arrêt du 16 novembre 2017 ou dans l’arrêt précité du 14 février 2014[10], aux retards et surcoûts comme dans l’arrêt du 16 juin 2016 [11] ou lorsque le litige porte sur une indemnité en cas de résiliation du marché comme dans l’arrêt du 19 mai 2016 [12].
- L’architecte fait l’objet d’un appel en garantie sur une action principale ou en cas de pluralité de défendeurs[13].
Il convient en conclusion, (i) de rédiger avec attention les contrats afin qu’ils correspondent réellement aux souhaits des parties et (ii) d’en mesurer toute la portée au moment du litige et avant d’engager toute procédure contentieuse.
[1] Cass. 16 novembre 2017, n°16-24.624 Publié au bulletin
[2] Voir notamment CCG Contrats pour travaux neuf 01/2014, Contrats pour travaux sur existant, 01/2015 : « en cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Le conseil régional peut, soit émettre un avis sur l’objet du différend, soit organiser une procédure de règlement amiable. En matière de recouvrement d’honoraires, la saisine du conseil régional est facultative »
[3] Cass. Civ. 3, 16 novembre 2017, n°16-24624 Bull.
[4] Cass. Ch. mixte, 14 février 2003, n°00-19423 Bull. n°1 p.1
[5] Cass. Ch. mixte, 12 décembre 2014, n°13-19.684
[6] Cass. Civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-14464, Bull. 16 juin 2016, n° 15-16309
[7] Cass. Com. 29 avril 2014, n°12.27004 Bull. n° 76 ; Cass. Civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-14464, Bull.
[8] Cass, 3ème civ, 9 octobre 2007, n° 06-16.404 ; Cass, 3ème civ, 23 mai 2007, n° 06-15.668 ; Cass, 3ème civ, 4 novembre 2004, n° 03-13.002
[9] Cass, 3ème civ, 18 décembre 2013, n° 12-18.439
[10] Cass. Ch. mixte, 12 décembre 2014, 13-19684, Bull. n°3
[11] Cass Civ. 3, 16 juin 2016, 40-16.309
[12] Cass. Civ. 3, 19 mai 2016, 15-14.464
[13] Cass. Ch. mixte, 12 décembre 2014, 13-19684, Bull. n°3