CONTRIBUTION A LA DETTE ENTRE LES CO OBLIGES
La Cour de cassation est récemment revenue sur la répartition de la contribution à la dette entre coobligés dans son arrêt du 21 décembre 2017 (Cass. Civ 3ème 21 décembre 2017 n°RG 16-22.222 & 17-10.074).
- Les faits en quelques mots
En l’espèce, une cour d’appel a retenu la responsabilité à 60 % d’une société de gros œuvre, bien qu’elle n’ait pas été appelée dans la cause. Les autres parties n’avaient vraisemblablement pas jugé utile de l’attraire du fait qu’elle était en liquidation judiciaire.
Cette décision n’a pas manqué d’être censurée par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 décembre 2017 [1]destiné à être publié au bulletin en rappelant que la répartition de la contribution à la dette ne peut s’opérer qu’en présence de parties attraites à la procédure, en ces termes :
« Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 24 mai 2016 et 2 novembre 2016), que la société civile immobilière La Stéphanoise (la SCI) a fait construire un bâtiment destiné à être occupé par la société Bougault ; que la société X… (la société X…), assurée par la société l’Auxiliaire, est intervenue en qualité de maître d’oeuvre ; qu’un dallage en béton, dans lequel était incorporé un réseau de chauffage, a été réalisé par la société Rocland, qui a été liquidée, et qu’un carrelage a été posé sur une chape en ciment par la société Accetta, assurée en responsabilité décennale par la société Axa France et en responsabilité civile bâtiment par la société Swisslife ; qu’après réception, sont apparus, sur la zone carrelée, des fissures et un soulèvement des carreaux […]
Attendu que l’arrêt retient que les sociétés Accetta et X… sont responsables in solidum des désordres et que, dans leurs rapports réciproques, eu égard à la part de responsabilité incombant à la société Rocland (60 %), celle de la société Accetta s’élève à 30 % et celle de la société X… à 10 % ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui incombait de répartir entre les co-obligés in solidum leur contribution à la totalité de la dette, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
- Quid de la décision de la Cour de cassation ?
En clair, selon la Haute Juridiction, les juges du fond ne peuvent retenir une quote-part de responsabilité à la charge d’un tiers à la procédure.
De même, la disparition d’une société du fait de la clôture de sa liquidation judiciaire ne constitue pas une décharge de condamnation pour les coobligés. Ils devront prendre en charge la part de la société « liquidée ».
Cette décision [2] a été rendue au visa de l’article 1213 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016[3], lequel dispose que « l‘obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n’en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion. »
Dans son arrêt du 11 décembre 2012, au visa de même disposition, pour sanctionner la Cour d’appel qui s’est contentée pour rejeter l’appel en garantie formé par l’installateur à l’encontre de son fournisseur, de retenir que le fournisseur devait sa garantie à l’installateur, la Chambre commerciale a jugé que « alors que, saisie de recours en garantie réciproques, (la cour d’appel) était tenue de statuer sur la contribution de chacun des coobligés condamnés in solidum dans la réparation du dommage » [4].
Au regard de ces deux décisions[5], il est envisageable d’en déduire que si les juges du fond sont tenus au visa de l’ancien article 1213 devenu 1317 du Code civil de statuer sur la contribution à la dette de l’ensemble des coobligés, il en est autrement en ce qui concerne des tiers à la cause, notamment du fait de leur liquidation.
D’un point de vue pratique, la décision rendue le 21 décembre 2017 met en exergue l’importance de la régularisation d’une procédure en cours à l’encontre d’un mandataire ou liquidateur judiciaire d’une partie mise en procédure collective en cours de la procédure judiciaire, ainsi que de ses assureurs.
En effet, dès lors que les juges du fond ne peuvent pas retenir la responsabilité d’une partie liquidée en cours d’instance, il est impossible par la suite aux parties condamnées de régulariser une action directe à l’encontre de l’assureur de tiers responsable.
Une extrême vigilance s’impose donc sur ce point à l’ensemble des acteurs de la procédure
[1]Cass. Civ 3ème 21 décembre 2017 n°RG 16-22.222 & 17-10.074
[2]Cass. Civ 3ème 21 décembre 2017 n°RG 16-22.222 & 17-10.074
[3]Devenu Article 1317 du Code civil
[4]Cass. com., 11 déc. 2012, n° 11-25.493
[5]Cass. Civ 3ème 21 décembre 2017 n°RG 16-22.222 & 17-10.074 ; Cass. com., 11 déc. 2012, n° 11-25.493