SUR LA MISE ŒUVRE DES CLAUSES DE CONCILIATION-MEDIATION (dans les domaines de la construction et du risque industriel)
Cass. Com. 9 mai 2018 n°16-20.212 ; Cass. 1ère civ. 14 mars 2018, n°17-14.440 ; Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-16.197 ; Cass. Com. 30 mai 2018 n°16-26.403, 16-27.691 ; Cass. Soc. 30 mai 2018 n°16-22.357
La procédure en droit continental européen et notamment en droit français connait actuellement une révolution.
Cette révolution consiste en la mise en place et la « favorisation » de divers modes alternatifs de règlement des différends.
Parmi ces derniers la médiation est un des outils les moins pratiqués jusqu’au présent mais qui a vocation de prendre toute sa place dans le processus de règlement des litiges dans l’avenir.
En effet, les modifications législatives en France et dans les autres pays européens, ainsi que l’évolution de la pratique jurisprudentielle en témoignent très fortement.
C’est ainsi notamment que dans son arrêt rendu le 14 juin 2017 la CJUE[1]a jugé qu’un État peut instaurer une médiation obligatoirecomme préalable à tout recours juridictionnel, sans que cela soit contraire au droit à l’accès au juge, si certaines conditions sont respectées (dont notamment la suspension de la prescription et la possibilité des mesures d’urgence).
Relevons d’emblée qu’en ce qui concerne les garanties légales prévues par l’articles 1792 et suivants du Code civil aucune suspension des délais d’action n’est possible actuellement.
Cet arrêt est révélateur de la volonté judiciaire européenne de désengorger les Tribunaux grâce notamment au recours à la médiation, bien que le caractère obligatoire de ce processus contredise à ses propres principes fondamentaux.
En France, la conciliation obligatoire est à ce jour uniquement envisagée à l’article 4 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle concernant la saisine des Tribunaux d’instance.
Pour les autres procédures ce processus demeure fort heureusement facultatif, sous réserve de l’application de l’avant dernier alinéa de l’article 56 du Code de procédure civile, qui prévoit « Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ».
Bien qu’aucune sanction ne soit prévue pour violation de ce texte, le cas échéant en vertu des dispositions de l’article 127 et suivants du CPC, la juridiction saisie de l’affaire dispose de la possibilité de suggérer aux parties la mise en œuvre d’une médiation judiciaire.
En principe, les parties sont libres de refuser, mais les juges peuvent y inciter très fortement en évoquant une éventuelle sanction par biais de l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
C’est ainsi que dans l’affaire jugée par la cour d’appel de Paris le 5 septembre 2013[2]cette dernière a refusé aux parties de leur accorder une indemnisation au titre des frais irrépétibles de la procédure au motif que ces dernières ont refusé la médiation, en ces termes :
« Les autres demandes seront rejetées, y compris celles relatives aux frais irrépétibles et procédure abusive, observant que ces demandes sont d’autant plus inopportunes que chacune des parties succombent partiellement, que chacune a fait traîner en longueur la procédure à souhait, et que les deux ont refusé toute médiation dans cette affaire, médiation qui pourtant allait dans le sens des souhaits d’I B. »
Au-delà de la mise en œuvre de la médiation de manière législative ou judiciaire, les parties peuvent la prévoir avant ou après la survenance d’un différend dans une convention.
Le recours aux clauses de conciliation-médiation fleurit en effet actuellement dans les contrats.
Compte-tenu du caractère relativement nouveau de ce phénomène, il existe peu de jurisprudence concernant leur application dans le domaine de l’assurance-construction.
Il pourrait être néanmoins judicieux d’analyser leur application dans les autres domaines afin de prévoir son éventuelle transposition aux relations de la construction.
- Effet relatif des clauses de conciliation-médiation
Cass. Com. 9 mai 2018 n°16-20.212 ; Cass. 1ère civ. 14 mars 2018, n°17-14.440
En l’espèce, il s’agissait d’une banque ayant consenti trois prêts à une société Maison jardin, lesquels ont été garantis par un cautionnement solidaire d’un particulier.
La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en paiement.
Cette dernière lui a toutefois opposé une clause de conciliation prévue dans le contrat de prêt, et cela notamment au visa de l’article 2313 du Code civil, dont l’alinéa premier prévoit que « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ».
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi au motif que :
« Mais attendu que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principalet non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer »[3].
Ce faisant, la Haute juridiction proclame à nouveau l’effet relatif des clauses de conciliation.
Il a été d’ores et déjà en effet statué en ce sens dans un arrêt rendu le 14 mars 2018[4]par la 1èrechambre civile de la Cour de cassation relativement à une clause de conciliation-médiation prévue dans un contrat de vente notarié.
En l’espèce, les acquéreurs ont assigné les vendeurs, le notaire et l'agent immobilier en résolution de la vente et indemnisation.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré leur action irrecevable pour le défaut de la « mise en œuvre avant l'introduction de la procédure la clause de conciliation préalable et obligatoire ».
La Haute juridiction sanctionne cette approche au motif que « en statuant ainsi, alors que la saisine préalable du conciliateur prévue dans l'acte authentique de vente n'était pas une condition de recevabilité de l'action directe engagée par les acquéreurs contre le notaire, l'agent immobilier et l'assureur de ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
- Sur l’application des clauses de conciliation-médiation dans les contrats de construction et de la maîtrise d’oeuvre
Cette jurisprudence récente permet donc de relativiser les effets redoutés de l’arrêt rendu par la Troisième chambre de la Cour de cassation le 16 novembre 2017[5], laquelle a réaffirmé le principe de l’irrecevabilité de l’action dirigée à l’encontre d’un maître d’œuvre faute de la mise en œuvre d’une clause de conciliation prévue dans son contrat, en prenant soin de préciser qu’une telle omission ne saurait être régularisée en cours d’instance.
Il convient de préciser à cet égard que bien qu’il s’agisse d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation[6], les arrêts rendus en ce sens portaient tous sur l’exécution du contrat de maîtrise d’œuvre et concernaient plus particulièrement :
- une erreur de préconisation sur la quantité de béton, sans qu’il soit fait état d’un quelconque désordre de nature décennale [7];
- un dépassement de coût, de retard, de malfaçon et de perte financière[8];
- une problématique de paiement d’une indemnité contractuelle de résiliation[9].
Il a été en revanche jugé qu’une telle clause ne pouvait porter que sur les obligations contractuelles des parties et n’avait donc pas vocation à s’appliquer dès lors que la responsabilité décennale de l’architecte était recherchée[10].
De même, l’existence d’une clause de conciliation préalable devant l’Ordre des architectes ne saurait, selon la jurisprudence, avoir pour effet de faire échec à l’action directe du maître d’ouvrage exercée à l’encontre de l’assureurde la responsabilité civile de l’architecte sur le fondement des dispositions de l’article L 124-3 du Code des assurances[11].
Cette jurisprudence a été donc confirmée par les arrêts rendus le 14 mars et 9 mai 2018[12], en ce qui concerne l’effet relatif d’une telle clause.
- Quid de l’opposabilité d’une clause de conciliation-médiation à un tiers ?
Il semblerait cependant tôt pour affirmer qu’une clause de conciliation-médiation ne saurait être opposable aux tiers.
Nous connaissons en effet la jurisprudence constante de la Cour de cassation en matière de transmission des clauses compromissoires dans les chaînes homogène ou hétérogène des contrats translatifs de la propriété[13].
C’est ainsi que dans son arrêt de principe rendu le 27 mars 2007[14], la Première chambre de la Cour de cassation a jugé que :
« dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause compromissoire est transmise de façon automatique en tant qu'accessoire du droit d'action, lui-même accessoire du droit substantiel transmis, sans incidence du caractère homogène ou hétérogène de cette chaîne ».
Rien ne permet d’exclure qu’une telle logique ne puisse pas être appliquée aux clauses de conciliation-médiation.
Si une telle hypothèse se confirmait, le maître d’ouvrage aurait pu se voir opposer l’irrecevabilité de son action directe à l’encontre de fournisseur, dont le contrat prévoyait une clause de la conciliation-médiation.
Il convient donc rester attentif à la future jurisprudence sur ce point.
- Sur l’éventuel caractère « abusif » des clauses de conciliation-médiation
Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-16.197
Il convient également s’interroger sur l’éventuel caractère « abusif » des clauses de conciliation-médiation.
En effet, bien que ce mode alternatif de règlement des litiges soit très fortement favorisé par le législateur et les instances judiciaires, sa mise en œuvre par voie conventionnelle avant la survenance du litige peut être source d’un déséquilibre dans les relations entre les cocontractants et, à ce titre, sujet de multiples réserves.
- Présomption simple de caractère abusif des clauses de conciliation-médiation en droit de la consommation
En est pour preuve les dispositions de l’alinéa 10 de l’article R.132-2 devenu R212-2 du Code de la consommation, classant dans une liste « grise » des clauses abusives celles ayant vocation de « Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges. »
C’est au visa de ce texte que dans son arrêt rendu le 16 mars 2018[15], la 1èrechambre civile de la Cour de cassation a jugé que :
« Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes des consorts Y..., l'arrêt retient, d'abord, que le fait de prévoir dans un contrat une médiation préalable à une action en justice ne constitue pas en soi un déséquilibre entre les parties ; qu'il relève, ensuite, que la clause était explicite et ne privait pas en définitive le consommateur de la possibilité de saisir la justice ; qu'il constate, enfin, que la médiation préalable n'imposait pas à ce dernier de charge financière supplémentaire, que l'instance de médiation était neutre et compétente, et que sa mise en oeuvre était indiquée avec précision au contrat ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Certes, la Haute juridiction ne fait que rappeler dans cet arrêt la présomption du caractère abusif de ce type de clause dans les contrats de consommation.
Toutefois, en droit de la construction, ce raisonnement aura donc vocation à s’appliquer chaque fois que le maître d’ouvrage est un particulier, et donc un consommateur.
L’arrêt cassé de la Cour d’appel de Versailles du 7 février 2017 donne par ailleurs aux praticiens un faisceau d’indices susceptibles d’être soumis à l’appréciation des juges du fond afin de savoir si une telle clause crée un déséquilibre significatif dans un contrat conclu entre les professionnels.
- Possibilité de démontrer le caractère abusif des clauses de conciliation-médiation dans les relations entre les professionnels
Dans les relations entre professionnels, plusieurs dispositions entrées en vigueur le 1eroctobre 2016 par voie de l’Ordonnance du 10 février 2016 sont susceptibles de remettre en cause ce type de clauses prévues des contrats conclus postérieurement
au 1eroctobre 2016.
Outre le nouvel article 1104 du Code civil portant sur la bonne foi, l’Ordonnance prévoyait les dispositions relativement au contrat d’adhésion.
En vertu de l’article 1110 du Code civil, « Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. »
Or, tel est systématiquement le cas d’une clause de conciliation prévue dans les conditions générales types des contrats de la maîtrise d’œuvre.
Ce texte a été modifié par la loi de ratification du 20 avril 2018 comme suit : « Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties. », mais ses dispositions semblent toutefois toujours susceptibles de s’appliquer à une procédure préalable de conciliation ou médiation prévue dans les conditions générales du contrat de la maîtrise d’œuvre, dès lors que ses termes avaient été déterminés à l’avance par l’une des parties.
Or, aux termes du nouvel article 1119 du code civil « Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »
De même, l’article 1190 du Code civil dispose que « le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a stipulé. »
Enfin, aux termes de l’article 1171 du Code civil « Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »
A condition de pouvoir démontrer l’existence d’un tel déséquilibre significatif dans un contrat d’adhésion, une clause de conciliation-médiation peut être donc considérée non écrite.
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Au vu de ce qui précède, le caractère obligatoire de la mise en œuvre d’une clause de conciliation-médiation doit être nécessairement apprécié non seulement en fonction de son contenu, mais également des dispositions de l’ordre public dont celles portant sur un éventuel déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion.
- Sur l’irrecevabilité d’une demande reconventionnelle en l’absence de la mise en œuvre préalable de la clause de conciliation-médiation
Cass. Com. 30 mai 2018 n°16-26.403, 16-27.691 vs Cass. Com. 24 mai 2017 n°15-25.457
La vocation d’une demande reconventionnelle est de :
- garantir les droits de la défense et l’égalité des parties
- servir l’économie du procès et donc la bonne administration de la justice.
C’est la raison pour laquelle elle bénéficie des conditions de recevabilité moins strictes que la demande principale.
Notamment, par dérogation aux dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile qui interdit les prétentions nouvelles en cause d’appel, l’article 567 admet la recevabilité des demandes reconventionnelles présentées pour la première fois en appel, sous réserve de l’existence d’un « lien suffisant » prévu par l’article 70 du CPC[16].
Cependant en France, à la différence des autres systèmes de droit étranger et notamment du droit russe, la demande reconventionnelle :
mais
- s’analyse en une demande en justice, ne bénéficiant pas de l’interruption de la prescription par la demande principale[18].
C’est ainsi que dans son arrêt rendu le 24 mai 2017[19], au visa des dispositions des articles 153, 122 et 126 du CPC, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge, en ces termes :
« Attendu que l’instance étant en cours au moment où elle est formée, la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en oeuvre d’une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge ;
Attendu que pour dire irrecevable la demande reconventionnelle de la société IDD, l’arrêt retient que sa situation de défenderesse à la procédure engagée par la société Biogaran ne lui interdisait nullement de saisir le médiateur des nouveaux griefs qu’elle opposait ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat n’instituait pas une fin de non-recevoir en pareil cas, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Il ressortait de cette décision que les parties pouvaient prévoir conventionnellement qu’outre les demandes initiales, les demandes incidentes, dont font partie les demandes reconventionnelles, seront également soumis à la procédure préalable de la conciliation ou de la médiation.
Dans son arrêt rendu le 30 mai 2018[20], la Chambre commerciale de la Cour de cassation procède au revirementde sa position, en jugeant que :
« Et attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que le contrat de prestation de services, qui fondait la demande reconventionnelle de la société STAR, contenait, à la différence du contrat de cession faisant l’objet de la demande principale de la société NRJ, une clause de conciliation préalable, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande reconventionnelle devait être précédée d’une tentative de conciliation, laquelle ne pouvait être régularisée en cours d’instance ».
Relativement à la pratique en droit de la construction, il convient de s’interroger sur l’hypothèse où le maître d’œuvre dont la responsabilité décennale est recherchée par maître d’ouvrage formule des demandes reconventionnelles sur le fondement contractuel à l’encontre de ce dernier.
En état de la jurisprudence actuelle, il conviendrait de considérer qu’une telle demande incidente serrait irrecevable en dépit de la recevabilité de la demande principale.
- Sur l’éventuelle renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance
Cass. Soc. 30 mai 2018 n°16-22.357
L’article 386 du Code de Procédure Civile dispose que l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
La jurisprudence requiert qu’une telle diligence soit de nature à faire progresser l’affaire ou lui donner une impulsion procédurale [21].
Par ailleurs, dans son arrêt en date du 1erseptembre 2016 (RG15-18.909), la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence constante, en jugeant que « étant indivisible, la péremption éteint l'instance, lorsqu'elle est demandée par une des parties, au profit de toutes les autres ».
De l’autre coté, il a été traditionnellement admis que les parties en défense peuvent être réputées avoir renoncé au bénéfice de la péremption.
Cela pouvait notamment être le cas lorsque les parties en défense après l’expiration d’un délai de péremption concluent au fond sans avoir soulevé l’incident de péremption au préalable.
Il a été jugé toutefois à cet égard que la renonciation au bénéfice de la péremption ne se présume pas[22]. Il aurait donc appartenu à la partie en demande de la caractériser.
Dans la suite de cette jurisprudence la question s ‘était posée quant aux effets de l’acceptation par une partie d’une médiation.
Dans son arrêt rendu le 30 mai 2018[23], à la suite d’un renvoi de l ‘affaire devant le 2èmechambre de la Cour de cassation pour avis[24], la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « l’acceptation par une partie d’une médiation proposée par la juridiction, après l’expiration du délai de péremption, ne vaut pas renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance ».
Autrement dit, en l’espèce, la Haute juridiction a privilégié l’extinction d’instance, sans reconnaître la renonciation au bénéfice de la péremption de la part des défendeurs.
Cette décision appelle donc à la prudence de la part de la partie en demande, laquelle ne saurait recourir à la médiation pour palier sa carence procédurale pendant un délai supérieur à deux ans.
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L’ensemble des arrêts suscités témoigne d’un rôle plus en plus accru des procédures de conciliation-médiation dans différents domaines d’activité.
En ce qui concerne du droit de la construction, mise à part des contrats type de la maîtrise d’œuvre, le recours aux clauses de conciliation-médiation n’est pas encore très fréquent.
Cependant, comme cela avait été mentionné ci-dessus, les maîtres d’ouvrage pourraient en théorie se voir opposer ce type de clauses prévu notamment dans les contrats de fournitures de matériaux aux locateurs d’ouvrage.
De plus, du fait du non-respect quasi-systématique de l’article 56 du CPC, les juges proposent de plus en plus aux parties la mise en œuvre des procédures de conciliation-médiation. Le domaine du droit de la construction n’en est pas exclu.
Il appartient donc aux praticiens du droit de la construction de tenir compte de ces évolutions dans leur pratique, tout en se rappelant que la mise en œuvre d’une médiation ne suspend pas les délais de forclusion.
Une extrême vigilance s’impose donc à ce sujet.
Daria BELOVETSKAYA
AVOCAT AUX BARREAUX DE PARIS ET DE SAINT-PETERSBOURG
[1]CJUE 14 juin 2017, Livio Menini et Maria Antonia Rampanelli, n° C-75/16
[2]CA Paris, 5 septembre 2013, n°11/22362
[3]Cass. Com. 9 mai 2018 n°16-20.212, inédit
[4]Cass. 1èreciv. 14 mars 2018, n°17-14.440, inédit
[5]Cass. 3èmeCiv. 16 novembre 2017, n°16-24.642
[6]Cass. Ch. Mixte, 14 février 2003, n°00-19423 Publié au bulletin ; Cass., Ch. mixte, 12 décembre 2014, 13-19.684, Publié au bulletin ; Cass. Ch. Civ. 3, 16 juin 2016, 15-16.309 ; Cass. Ch. Civ. 3, 19 mai 2016, 15-14.464, Publié au bulletin
[7]Cass., Ch. mixte, 12 décembre 2014, 13-19.684
[8]Cass. Ch. Civ. 3, 16 juin 2016, 15-16.309
[9]Cass. Ch. Civ. 3, 19 mai 2016, 15-14.464
[10]Cass, 3ème civ, 9 octobre 2007, n° 06-16.404 ;Cass, 3ème civ, 23 mai 2007, n° 06-15.668 ; Cass, 3ème civ, 4 novembre 2004, n° 03-13.002
[11]Cass, 3ème civ, 18 décembre 2013, n° 12-18.439
[12]Cass. Com. 9 mai 2018 n°16-20.212; Cass. 1èreciv. 14 mars 2018, n°17-14.440
[13]Cass. 1èreCiv. 27 mars 2007, n°04-20.842
[14]Cass. 1èreCiv. 27 mars 2007, n°04-20.842
[15]Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-16.197
[16]Cass., Civ. 2, 23 février 2017, n°16-12.859 ; Cass. 1ère civ., 10 janvier 2006, n° 03-178.39
[17]Civ,1ère, 31 janvier 2018, n°16-24.092
[18]Cass. Civ. 2 , 1er février 2018, n°17-14.664
[19]Cass. Com. 24 mai 2017 n°15-25.457
[20]Cass. Com. 30 mai 2018 n°16-26.403, 16-27.691
[21]Cass Civ 3ème, 28 février 1990, Bull,civ III n°67 ; Cass Civ 1er, 2 Juillet 2014 n°13-18.645
[22]Cass. Civ.2, 15 février 1973, n°71-13-730
[23]Cass. Soc. 30 mai 2018 n°16-22.357
[24]Cass. Soc 16 novembre 2017 n°16-22.357 ; Cass. 2e civ., 25 janv. 2018, n° 16-22.356